Informatique céleste
Quand IBM a cherché à introduire le mot « computer »
en France, dans les années 1950, le philologue
Jacques Perret a eu l'idée de remettre au goût du
jour un vieux mot latin, « ordinateur », qui désignait
au Moyen Âge une qualité que les Pères de l'Église
attribuent à Dieu - Deus Ordinator - signifiant « Dieu
ordonnateur ». Ce faisant, il a aussi bien cerné la
compétence technique de ces nouvelles machines
que leur vocation messianique. L'ordinateur ne peut
pas être réduit à un simple outil. L'informatique irrigue
la vie, à laquelle elle fournit un programme. Elle donne
forme à la matière, à son niveau le plus élémentaire.
Elle sculpte nos pensées et notre conscience. Aussi
bien emporte-t-elle une nouvelle ontologie, une
nouvelle politique et même une nouvelle spiritualité.
En elle s'accomplit la promesse d'une réconciliation
entre les mots et les choses, les vivants et les morts,
les humains et les non-humains. Martin Heidegger
affirmait à la fin de sa vie que seul un dieu pouvait
désormais nous sauver. Mais c'est l'informatique qui
sauvera le monde.