Dans l'Athènes du Ve siècle, la fonction du rhapsode, récitant attitré d'Homère, était de rendre la poésie homérique accessible et émouvante près de trois siècles après le moment de sa composition. Ce qui supposait un certain travail d'adaptation des poèmes homériques. Mais au rhapsode Ion, Socrate, le philosophe, reproche (comme il le reproche ailleurs à Homère) de parler de ce qu'il ignore. Ce face-à-face entre Ion et Socrate, présenté par Platon dans l'Ion, tend à exclure du champ du savoir l'art de la parole qu'est la poésie, même si Platon lui laisse l'honneur (parfois ambigu) de l'inspiration divine. La voix de Platon est sans doute la première à soutenir ce partage entre poésie et connaissance, partage qui témoigne des mutations culturelles de son époque.