Ivry banlieue rouge
Capitale du communisme français - XXe siècle
Ivry-sur-Seine peut se prévaloir d'un héritage et d'une longévité politiques auxquels peu de villes de son importance et de son aura symbolique peuvent prétendre. Son histoire contemporaine fait écho à l'expérience du socialisme municipal et de la banlieue rouge, communiste et industrielle qui, au cours du XXe siècle, marque de son empreinte le paysage de l'agglomération parisienne. Dès les années 1920, cette cité ouvrière s'érige en « fille aînée » du communisme urbain et en « capitale du communisme français ». Sous l'autorité tutélaire de Georges Marrane, maire d'Ivry et de Maurice Thorez, député de la ville et secrétaire général du parti communiste, la ville se présente pendant près d'un demi-siècle en modèle de sociabilité militante, d'opposition au régime capitaliste et de contestation de l'ordre établi. Elle devient aussi un lieu emblématique du déploiement du communisme municipal dont les réalisations sont citées en exemple en France mais aussi en URSS, le pays du « socialisme réel » et de la dictature du prolétariat, que la ville rouge aime à dépeindre sous les traits d'une terre radieuse.
C'est cette expérience politique, sociale et urbaine de près d'un siècle que l'historien Emmanuel Bellanger, chercheur au CNRS, met en perspective en remontant aux sources du communisme ivryen. Il décrit les tensions qui traversent le XXe siècle, les renoncements et les violences qui caractérisent l'époque, les compromis qui s'imposent à des acteurs politiques que tout oppose ainsi que la fierté d'être banlieusard et d'appartenir à un territoire de conquête. Emmanuel Bellanger achève son récit sur la rupture fondamentale que constitue pour la banlieue rouge la désindustrialisation qui fragilise la société locale et accentue les divisions qui l'affectent et la recomposent. L'ouvrage Ivry banlieue rouge est aussi incarné ; il compte près de cent cinquante illustrations qui donnent à cette ancienne « capitale » un visage.