Antoine Berman (1942-1991) avait entrepris une archéologie de la traduction en France. Cet essai retrace l'institutionnalisation du traduire du XIVe au XVIe siècle ; il en esquisse la théorisation.
« Le destin problématique de la traduction en France est préfiguré dans sa double origine. Chez Oresme la traduction peut être considérée comme le début de la création d'un français savant. Chez Amyot la traduction est déjà libre adaptation ; mais ce trait (qu'il hérite de son siècle) est contrebalancé par une scrupuleuse fidélité philologique. » Donnant le modèle de la traduction, il donnait ce faisant le modèle de la prose française.
Oresme et Amyot furent précepteurs et conseillers des rois. François Ier sentit quels étaient pour son pays les enjeux de la traduction. Français savant et écriture en prose française, c'est ce modèle formateur que le pouvoir royal a soutenu.
L'oeuvre d'Antoine Berman, de L'Épreuve de l'étranger (1984) aux séminaires donnés au Collège International de Philosophie (en particulier sur Walter Benjamin, John Donne et Friedrich Hölderlin), et jusqu'aux travaux pour le Centre Amyot (créé en 1986 sous la forme d'une association) dont on trouve ici l'esprit fondateur, est une référence majeure pour tous les théoriciens et praticiens du traduire.