Je ne connais pas d'oeuvre plus paradoxale que celle de Jaume Plensa : elle est celle d'un sculpteur qui déclare que pour lui le « matériau n'est jamais fondamental » et même qu'il voudrait « faire disparaître le support » ! Évidemment, il n'atteint jamais aussi bien son but que lorsqu'il exécute des dessins directement sur le mur.
Des ombres éphémères de paupières, l'arête d'un nez et l'ellipse d'une narine, une fente entre les lèvres traversent l'espace neutre du mur, sans que le contour du visage auquel ils appartiennent ait eu le temps de s'y inscrire. Visage qui n'a pas plus de consistance que si nous l'apercevions à travers la vitre d'un train en marche. Mais Plensa est avant tout sculpteur et donc sculpteur de l'immatériel, loin du stéréotype du costaud qui, outils en mains, s'attaque à la pierre, au bois, au fer.
Catherine Millet