Jaurès n'est pas aujourd'hui honoré comme l'authentique socialiste anticapitaliste et révolutionnaire qu'il fut. Les " réformistes " du parti socialiste édulcorent depuis longtemps la vigueur de sa critique du capitalisme et l'audace de sa conception du socialisme démocratique. Beaucoup ne voient plus en lui qu'un champion de la justice et un réformiste précurseur des compromis sociaux-libéraux.
Une relecture " au plus près " des textes de Jaurès permet d'apporter un éclairage nouveau sur sa pensée politique. Loin d'être antimarxiste, Jaurès déclare en 1901 avoir été " toujours dirigé par ce que Marx a nommé magnifiquement l' évolution révolutionnaire ". Cette stratégie consiste à introduire une succession de réformes anticapitalistes " qui annoncent et préparent la société nouvelle, et par leur force organique hâtent la disparition du monde ancien ".
Les propos révolutionnaires de Jaurès sont souvent interprétés comme des concessions faites aux " marxistes " pour les rallier à l'unité du parti socialiste, ou comme des postures adaptées à l'exercice de l'opposition. En retraçant le parcours intellectuel de Jaurès, cet essai montre au contraire comment sa pratique des " réformes révolutionnaires " tend vers un au-delà du capitalisme et constitue la clé de lecture de tous ses combats pour la République, la démocratie et le socialisme.
Agrégé d'histoire, longtemps professeur en chaire supérieure (CPGE), Jean-Paul Scot est notamment l'auteur de La Russie de Pierre le Grand à nos jours (Armand Colin, 2000), Un poète en politique : les combats de Victor Hugo (Flammarion, avec Henri Pena-Ruiz, 2002) et " L'État chez lui, l'Église chez elle ". Comprendre la loi de 1905, (Seuil, 2005).