Ilya Kotcherguine nous raconte son séjour en Belgique dans une résidence pour écrivains. Le contexte : un temps fort des échanges culturels avec la Russie, cent trente concerts, deux cent cinquante manifestations, la venue de Poutine à Bruxelles.
Il décrit très bien l'étrange sentiment, qui va jusqu'à l'angoisse, de l'auteur venu « écrire » dans un temps donné. Il doit profiter de conditions idéales pour créer, faire face à des obligations sociales, converser avec ses lecteurs, parler de son oeuvre... alibis bienvenus pour celui qui fuit son ordinateur et la page blanche. Le sujet de son livre en cours ne cesse de le tarauder : l'histoire de ses grands-parents, tout spécialement de son grand-père, un haut dignitaire soviétique, un proche collaborateur de Staline, qui a séduit sa grand-mère avant de l'épouser sur le tard. Au hasard de ses rencontres, il se fait courtiser par un homme, se lie à une jeune femme qui parle un peu russe...
Ilya Kotcherguine sait rendre le malaise de « l'écrivain russe à l'étranger » - rôle qu'il joue à la perfection, non sans humour - qu'on prend à témoin de l'Histoire en train, de se faire. Et puis être loin de chez soi, rien de mieux pour retrouver ses racines, se souvenir de son autre vie où l'on chassait l'ours en Sibérie et où l'on mangeait même du chien... Au bout du compte, sans avoir l'air d'y toucher, un jeu de miroir entre Russie et Occident, entre les générations, avec, en toile de fond, l'évocation de diverses destinées dans un pays qui s'appelait l'URSS.