Romancier fêté, cinéaste admiré, poète méconnu, dramaturge et dessinateur d'exception, Cocteau est l'un des créateurs les plus féconds du XXe siècle. Doté d'une rare aptitude à changer de style et de forme, à mourir à soi pour ressusciter autrement, il évoque par son caractère protéiforme ces deux géants - Picasso et Stravinsky - qui furent ses proches, et parfois ses collaborateurs. Véritable baromètre du climat parisien, il incarna tous les courants et chaque art, l'architecture exceptée: au Cocteau proustien succéda un Cocteau avant-gardiste, puis dadaïste, surréalisant et néoclassique, enfin féerique; bref, cet auto-fictionneur en actes donnait l'impression de faire de lui ce qu'il voulait: jeune homme, il se voyait même en demi-dieu.
Aucune biographie d'envergure n'avait paru en France depuis trente ans; nulle n'avait eu pour ambition de replonger ce météore durable dans sa constellation d'origine, de la France de l'affaire Dreyfus à celle de Johnny Hallyday, en passant par cet âge d'or que furent les années 20 et les années sombres de l'Occupation. Outre le romancier fulgurant des Enfants terribles et le Pygmalion de Radiguet, le mémorialiste inspiré de La difficulté d'être et l'amoureux de Marais, on découvrira l'engagé volontaire de 1916, l'opiomane et le «chrétien» de 1925, l'«inventeur» de Genet et l'entraîneur d'un immense boxeur noir-tous «personnages» intensément vivants, imprévisibles et humains. Avec cette biographie inspirée, Claude Arnaud a fait le roman vrai de tous les Cocteau qu'abritait ce créateur hors pair, «brillant comme une larme», mort il y a quarante ans cette année.
Romancier (Le caméléon, 1994, prix Femina du premier roman, et Le jeu des quatre coins, 1998, chez Grasset), biographe (Chamfort, Robert Laffont, 1988, prix Léautaud, prix Fénéon, prix de l'Essai de l'Académie française), Claude Arnaud a travaillé aussi pour le cinéma et le théâtre. Il est critique littéraire au Point.