Jean Ray et Thomas Owen... Ce ne sont pas deux vies parallèles que nous donne ici
à lire Jean-Louis Etienne, mais deux vies littéraires entremêlées. Cet entrelacement
est porteur de sens pour la logique du champ littéraire belge, au gré des pouvoirs
associatifs et analogiques, avec en ligne de mire l'imaginaire septentrional.
Cette vie associative entre les deux auteurs permet aussi de montrer qu'un texte
n'est jamais mort après publication. Non seulement il est revivifié par le lecteur,
mais il peut être régénéré par les auteurs eux-mêmes. C'est le cas exemplaire
des deux textes ici proposés en fil rouge. Qu'il s'agisse de «La/Le Scolopendre»
de Jean Ray, ou d'un texte princeps sur Jean Ray que Thomas Owen ne cesse de
reprendre pour le faire évoluer en fonction non des aléas éditoriaux, mais aussi
en fonction de l'évolution du champ littéraire et de sa place au sein de ce dernier,
on conçoit bien que les textes (ou plutôt, le texte qui devient textes) sont
inextricablement liés à leurs contextes.
Difficile, donc, d'en revenir ensuite aux textes sans leur contexte... La critique
externe ne peut néanmoins suffire pour retravailler l'apocryphe, pour remplacer
des ponts par d'autres sur le plan de l'écriture et de la thématique. Dès lors, le travail
de Jean-Louis Etienne vient idéalement s'apparier dans cet ouvrage à l'étude tout
aussi précieuse d'Anne Neuschäfer. Si avec Jean-Louis Etienne l'on pouvait voir
en un premier temps le lieu de la hantise des fantômes de l'analogie, ce sont les
linéaments de ces fantômes qui sont ainsi donnés à voir. Textes, contexte, textes
en contexte : dis-moi ce qui te hante, montre-moi comment tu hantes, dis-moi qui
tu vas hanter... Thomas Owen et Jean Ray...