Jean Rouch est une figure centrale du cinéma
ethnographique. Dès les années 40, il filme
avec sa caméra 16 mm ses missions sur et
autour du fleuve Niger, et en 1949, il
remporte avec L'Initiation à la danse des possédés le Prix du Festival du film
maudit de Biarritz qui sera suivi de bien d'autres avec Les Maîtres fous, Moi,
un noir, Chronique d'un été, La Pyramide humaine, La Chasse au lion à l'arc
pour ne citer que les plus connus. Les critiques des Cahiers du cinéma,
Jean-Luc Godard, Éric Rohmer ou Jacques Rivette, convaincus de l'originalité
créatrice et de la portée novatrice de sa démarche, reconnurent dans son défi
lancé au «cinéma professionnel» le précurseur de la Nouvelle vague.
Lorsque le cinéaste, caméra à l'épaule, filme un rituel africain, il improvise ses
cadrages, ses mouvements, le rythme de ses plans dans une chorégraphie qui
évoque celle du jazz. Le film s'accomplit lorsque son inspiration est à l'unisson
de l'inspiration collective. Il brouille les frontières des genres en réalisant avec
ses amis nigériens des sortes d'ethno-fictions, et à l'intérieur même du
documentaire, il invente un nouveau mode cinématographique, celui du
documentariste qui s'immerge totalement dans la réalité qu'il décrit et interagit
avec elle.