Cela part d'une enveloppe qui pèse plus que de coutume dans la paume de la main. C'est le père, écrivain, qui envoie à son fils peintre quelques reproductions de tableaux, assorties de lignes elliptiques : un clin d'oeil, un salut, une pensée aimante. Et voici, le fils répond. Par une image, lui aussi, puis une question, une intuition. Le dialogue s'engage. Les lettres se font plus
longues et réflexives, plus intimes. Au fil de l'exposé des émotions individuelles et des souvenirs communs, père et fils, d'égal à égal, questionnent une expérience partagée : la peinture, celle que l'on regarde et celle que l'on fait.
Menée de 2015 à 2016, cette correspondance entre John Berger, installé en banlieue parisienne, et son fils Yves, demeurant à Quincy, en Haute-Savoie, est l'un des ultimes témoignages de l'amour que le grand écrivain britannique, lui-même artiste et critique d'art, portait à la peinture. L'art, ici, n'est pas un objet de connaissance et de discours, mais chance d'un approfondissement de l'expérience du monde, apprentissage de la patience et de l'humilité devant les choses - et aussi le ciment d'une relation père-fils.