Né en 1906 à Ighil Ali, en Algérie, dans une famille kabyle de la vallée de la Soummam, Jean El Mouhoub Amrouche a passé sa jeunesse à Tunis. Ses parents s'étaient convertis au catholicisme avant sa naissance et avait adopté la langue française, langue qui serait celle du poète. Sa mère, Fadhma Aït Mansour a laissé des mémoires : Histoire de ma vie (Maspéro, 1968). Sa soeur, Taos Amrouche, a été la première romancière algérienne de langue française.
Après des études brillantes en Tunisie et en France, il fut successivement professeur, poète (Cendres, Étoile secrète, Chants berbères de Kabylie...), critique littéraire, animateur de revue (L'Arche, créée, avec le soutien d'André Gide et éditée par Edmond Chariot), écrivain engagé (« L'Éternel Jugurtha »), intervenant à Radio-France Alger pendant la guerre, puis à Radio-France Paris. Il eut alors l'occasion de s'entretenir avec tous les grands noms de la littérature et de la philosophie. Certains de ses entretiens (avec Mauriac, Gide, Claudel...) sont restés célèbres et édités sur disques. Il fut chassé de Radio-France par Michel Debré après avoir servi d'intermédiaire entre les instances du FLN algérien et le général de Gaulle dont il était un interlocuteur privilégié. Militant de l'indépendance algérienne, il est mort d'un cancer le 16 avril 1962, quelques jours après la signature des accords d'Évian.
Son Journal, écrit entre 1928 et 1962, et demeuré inédit, comporte une auto-analyse très sensible, un florilège des auteurs qu'il reconnaît comme ses inspirateurs ou ses intercesseurs. On y trouve aussi des croquis de personnages, des brouillons de lettres, des ébauches d'articles, l'évocation de ses amis (Jules Roy, Gide, Camus...). Il retrace la vie d'un homme, d'un poète, d'un intellectuel engagé dans un combat pour faire connaître et reconnaître les deux composantes, kabyle et française, d'une personnalité complexe, voire contradictoire. Trajectoire singulière d'un homme qui laisse derrière lui un précieux testament, celui de la justice, de la double culture et de la tolérance.