Francesca Trivellato part sur les traces de la légende qui a accompagné l'idée de prédispositions particulières des juifs pour le commerce et le crédit. À l'origine se trouve la fable de l'invention juive, à la fin du Moyen Âge, de l'assurance maritime et de la lettre de change, deux instruments essentiels de la finance privée européenne. Exprimée pour la première fois dans le texte d'un avocat bordelais du XVIIe siècle, cette construction imaginaire, à très longue portée et aux conséquences terribles, se trouve reprise par Montesquieu, Voltaire, Beccaria, puis dans les textes plus contemporains de Marx ou Weber.
Retraçant les différentes manifestations de cette légende et ce qu'elles révèlent des aspirations et des craintes collectives des contemporains, ce livre s'attache à décrire le fonctionnement de l'économie préindustrielle, les mécanismes du crédit à l'époque moderne et la mise en place du statut des juifs en France et en Europe, du milieu du XVIIe siècle jusqu'à Napoléon. Magnifique ouvrage d'histoire culturelle de l'économie, juifs et capitalisme montre que les débats sur la portée du marché ont toujours été indissociables de l'élaboration de hiérarchies juridiques et symboliques impliquant inclusions et exclusions. L'anonymat du marché est une idée récente. Elle reste une réalité insaisissable.