Le roman policier est une des transformations du roman. Bien que ses formes soient diversifiées il est, en son noyau dur, un genre fortement structuré, fait de grosses unités narratives stables, d'oppositions internes intelligibles, et d'un réseau de significations univoque - malgré ses intrigues et énigmes complexes. Issu du roman il intègre également des éléments du conte et d'autres types de récits canoniques, qui offrent un spectacle simple sur le plan narratif.
Le roman policier pose ainsi la question de la signification que peut receler et produire un récit élémentaire, si strictement codifié et quasi mythique dans un monde aussi hétérogène et ambivalent que le nôtre ; un monde qui par ailleurs a donné lieu à une littérature à la mesure des équivoques de son sens. Or il semble que si ce genre a pu tirer une part de son organisation narrative de formes pré-modernes, c'est que paradoxalement il procédait bien de certaines coordonnées de la modernité, dominée par l'échange économique et les rapports juridiques correspondants. L'hypothèse du présent essai tient dans l'idée que ce serait le rapport juridique, élaboré par la philosophie du droit (Hegel), qui constituerait la matrice du récit policier.
C'est ainsi que le roman policier résout la crise du roman qui questionne son écriture à la fin du siècle dernier, en faisant glisser l'énigme du sens dans le cadre réducteur de l'énigme policière toujours résolue. Il se donne ainsi comme un ensemble de variations à partir de règles établies, mais qui ont force de loi quant à la consommation symbolique qu'il propose d'un sens pétrifié du monde.