La Critique de la faculté de juger de Kant préfigure-t-elle l'esthétique
moderne ? Annonce-t-elle les pratiques artistiques avant-gardistes et
plus spécifiquement l'art abstrait, ainsi que maints commentateurs se plaisent
à l'avancer ? En situant dans cet ouvrage l'origine de l'autonomie des arts,
bien des lectures contemporaines lui ont conféré une portée visionnaire qu'il
ne pouvait avoir, et ont ainsi favorisé de puissantes fictions. Et cela en dépit
des références et exemples figuratifs pourtant évoqués par Kant : motifs
de papiers peints, éléments décoratifs, planches botaniques et zoologiques.
Ce livre se penche sur la genèse et la répétition de tels mythes interprétatifs.
Il s'attache à révéler les tensions internes d'un texte, lui-même porteur d'une
«utopie» morale et sociale. Plus largement, il montre qu'aucune pensée,
ni dans sa formation, ni dans sa réception, n'échappe à la force des récits et
à la puissance configuratrice des mythes.