Traduit de l'italien par François-Guillaume Lorrain
Pour Naja, kuraj est un mot du passé, un de ces rares mots sauvés de l'oubli et des premières années d'une existence vécue parmi les Tuncians, ce peuple semi-nomade vivant aux confins de la Chine et de l'Union soviétique. Car Naja est allemande maintenant, malgré son nez plat, ses yeux en amande et sa longue tresse d'épais cheveux noirs. L'amitié nouée entre son père Ul'an et le lieutenant Berger pendant les heures les plus noires de la bataille de Stalingrad en a décidé ainsi, transformant une simple coïncidence - Naja et la fille des Berger sont nées le même jour - en une promesse quasi incantatoire: si les deux hommes devaient survivre, Naja serait envoyée à Cologne, pour prendre la place de la petite fille des Berger, morte en bas âge.
Berger et Ul'an réchappent de l'enfer, mais Ul'an ne survit pas à ses blessures. Son clan tient néanmoins à honorer sa parole. Naja part donc pour l'Allemagne, et tels les kuraj, ces buissons qui roulent au gré du vent dans les vastes steppes d'Asie centrale, elle est emportée vers un autre destin, un autre pays, où elle devra trouver son chemin entre le désir de faire oublier sa différence et la volonté de rester fidèle à des traditions ancestrales.