L'archaïsme de la banque d'Amsterdam est une idée
reçue. Elle n'émit certes pas de billets et ne joua pas
le rôle de prêteur ultime dans le système des paiements
propres aux Provinces-Unies des XVIIe et XVIIIe siècles.
Elle inventa cependant des instruments financiers qui
contribuèrent à l'accumulation des capitaux dont se
nourrit ensuite la révolution industrielle en Europe.
De même que les grands marchands du pays avaient
créé des entrepôts qui servirent à redistribuer les marchandises
à travers tout le continent, la municipalité
d'Amsterdam avait institué en 1609 une banque qui
généra bientôt une sorte de monnaie d'entrepôt alors
même que cet objectif n'était pas programmé au
départ. Autour de la banque d'Amsterdam se structura
une communauté pour les paiements internationaux
dont la référence comptable - le florin banco - ne
dépendait pas strictement des règles de monnayage
établies par les autorités de La Haye pour les paiements
intérieurs aux Provinces-Unies. Deux unités de compte
distinctes coexistèrent ainsi pendant deux siècles
sur un même espace de souveraineté, en contradiction
avec tous les principes établissant la viabilité d'une
économie monétaire. La bourse cotait chaque jour la
valeur réciproque de ces deux florins dans le même
temps où s'évaluaient les taux de change du florin de
banque avec les monnaies étrangères. Ce dispositif
permit de soustraire partiellement le pays aux vicissitudes
de la conjoncture internationale, en dépit même
du rôle considérable que ses marchands y prenaient.
Deux siècles plus tard, le célèbre acte bancaire divisant
la Banque d'Angleterre en deux départements n'aura
pas d'autre finalité ; et pas davantage ensuite la création
de l'actuelle Banque Centrale Européenne. De
sorte qu'il convient de réexaminer sérieusement cette
expérience hollandaise.