«Qui sait encore ce que furent les Feuillants ? Qui se souvient de ces moines à
l'austérité légendaire, qui dormaient la tête posée sur une pierre et habitaient avec
un crâne rappelant la vanité des vanités ? [...] Pourquoi dès lors travailler sur un
tel ordre religieux ? Parce que sa renommée est sans rapport avec la trentaine de
couvents français et la quarantaine de couvents italiens ouverts entre la fin XVIe et
la mi-XVIIe siècle. Parce que leurs moines ont fréquenté les princes de ce monde
surtout. Le travail de Benoist Pierre suppose un renversement de perspective
historiographique, en France du moins : on a tendance, dans notre culture laïque,
à étudier la croissance de l'État par un biais purement politique, or l'auteur montre
que s'il y a bien une autonomisation du politique entre 1560 et 1660, celle-ci est en
même temps une autonomisation religieuse, traduite par des transferts de religiosité
dans le sens religion-État, transferts assurés par des réseaux religieux largement
ignorés, réseaux auxquels participent les Feuillants justement. Ces derniers sont
issus d'une réforme des Cisterciens qui porte la marque des guerres de Religion.
Dans les terribles années de la guerre civile, ils inventent des manières nouvelles
d'être ensemble et de le dire. De nouvelles approches du politique et des passions
religieuses nées dans le monde clérical sont ici interrogées : à quoi sert une réforme
monastique en dehors de ses objectifs strictement religieux ? Benoist Pierre tente
d'évaluer la place des moines dans la culture et les événements politiques de la fin
XVIe et du début du XVIIe siècle, à partir d'une documentation de première main très
diversifiée, issue autant de la gestion des hommes et des biens que de la production
intellectuelle de ses héros. Il s'agit pour nous de penser la capacité des religieux à
répondre aux aspirations de leur temps et à influer sur le cours des événements
profanes» (préface).