La buveuse de larmes
Voici trente-deux proses brèves qui révèlent Robert Walser en homme-orchestre, capable d'illustrer le genre du feuilleton dans toute sa bigarrure et sa mobilité. Tour à tour chroniqueur, épistolier, penseur, paraphraseur, flâneur, conteur, il observe l'animation d'une gare, médite sur la montée des nationalismes, perce à jour la comédie humaine ou surprend une sulfureuse « buveuse de larmes ». Léger, attentif, ce narrateur changeant n'est jamais où on l'attend. Sa fine ironie, sa lucidité ouvrent une brèche dans le quotidien. C'est là qu'il invite le lecteur à le rejoindre : « J'appartiens de toutes mes fibres au présent. »
« Brusquement, à ma surprise, je perdis ma silhouette jusque-là svelte, délurée, fringante.
Une puissance inconnue m'avait métamorphosé en ballon ; je m'arrondis et me mis à bouler au lieu de marcher, je roulais de tous côtés. »