La cabale du Livre de l'image et d'Abraham Aboulafia est un cours professé par Gershom Scholem en 1964-1965 à l'Université hébraïque de Jérusalem, qui a circulé sous la forme rédigée d'un polycopié en hébreu, mais n'a jamais été publié. Il s'agit donc de la première édition d'un inédit substantiel de l'un des plus importants savants dans le domaine de la pensée mystique juive. Le cours s'intéresse à deux courants de la cabale espagnole au XIIIe siècle, qui eurent un développement quasi parallèle à l'écriture du Zohar, lequel a fini par représenter un canon dans ce qui pouvait être déjà considéré comme les « marges » d'une pensée dominante, représentée par la littérature rabbinique. Consacré aux cycles cosmiques, Le Livre de l'image offre un tableau vertigineux des périodes de révolutions cosmiques de l'univers, dépassant les limites du monde dans lequel nous vivons. S'affranchissant avec audace de la notion même de temporalité, le Sefer ha Temunah avance l'idée d'une multiplicité d'actes de Création, tous régis par les lettres de l'alphabet et par les sefirot qui en déterminent la teneur, selon qu'ils relèvent de la Rigueur (Din) ou des Tendresses (Rahamim). Abraham Aboulafia (1240-1292 ?), quant à lui, développera une cabale dite « prophétique » , qui proposait alors une synthèse dialectique entre rationalisme et mystique, que la logique occidentale, et juive à sa suite, jugeait inconciliables.
C'est donc aux « marges de la marge » que va s'intéresser Gershom Scholem (1897-1982), parce que c'est là, justement, qu'avait pu s'épanouir une pensée dialectique entre la rationalité juive, incarnée par Maïmonide, et une spiritualité fondée sur une théorie du langage et du corps extrêmement complexe, dont Abraham Aboulafia sera la figure la plus extraordinaire.