La calomnie est la falsification volontaire du discours
d'autrui : elle fait dire à quelqu'un ce qu'il n'a pas dit. À
la Renaissance, lorsque la grammaire se transforma en
philologie, la calomnie devint un «philosophème», l'unité
focale d'un réseau de notions et de problèmes, exprimant
la nouvelle conscience des écarts entre la pensée, son
expression dans une langue historique et sa communication.
Contre les lectures fautives, le philologue rétablit le
sens authentique des oeuvres du passé. Par son pouvoir de
miner la crédibilité d'autrui, la calomnie fut également un
objet de réflexion politique et religieuse, incitant même
Botticelli à en donner une représentation picturale.
Cet essai se propose d'analyser les dispositifs de la
calomnie, ainsi que ses effets et ses remèdes, dans ses lieux
historiques d'apparition. Ainsi, après avoir examiné l'émergence
de la calomnie à la Renaissance, on en étudiera la
réélaboration dans la défense de Descartes contre ceux
qui l'accusaient d'hérésie. Le problème humaniste de la
communication se transforme ici dans celui de la juste
compréhension des idées et dans l'examen des passions
négatives et les vertus qui les contrecarrent, notamment
la générosité. Si ces éléments constituent la préhistoire
de l'herméneutique, l'étude de l'herméneutique générale
du XVIIe-XVIIIe siècle, visant à contrer les calomnies de l'interprète
malicieux, en représente sa première forme. On
verra enfin comment la calomnie fut réduite ensuite à la
médisance.