Mona Ozouf
La cause des livres
Mona Ozouf a prouvé avec éclat que la littérature peut être une source première pour l'historien. Les aveux du roman montrait combien le XIXe siècle littéraire témoignait du long et difficile dialogue entre les deux humanités que la Révolution française avait séparées : l'aristocratique, de la civilité, du goût et des manières; la démocratique, qui voulait congédier celle-là au nom de l'égalité.
Puis une lecture particulière des Mots des femmes, ceux-là mêmes que des écrivaines avaient choisis pour dire leur féminité, campait la spécificité française d'une négociation sans relâche d'un rapport heureux entre différence et égalité.
Ces thèmes se retrouvent avec beaucoup d'autres dans cette promenade buissonnière, fruit de plus de quarante années de curiosité pour l'actualité littéraire et ses aléas fantasques. Si l'itinéraire peut sembler au premier abord familier avec le tableau de la France et des Français où l'on voit une diversité obstinée tenir tête à la souveraine unité de la nation, très vite le lecteur voit surgir l'événement intempestif, la rencontre inattendue, la surprise des sentiments. La littérature et l'histoire, sur la chaîne usée des destinées humaines, n'ont jamais fini de broder les motifs inépuisables de la complexité. Telle est la cause des livres.