Dès sa parution à Turin en 1995, La Stanza della memoria s'est hissée parmi les classiques du genre que constituaient les études de Paolo Rossi et de Frances Yates. Dans le même temps, Lina Bolzoni en a modifié la perspective : plutôt que les traités de mémoire, ce sont les pratiques qui recourent aux techniques de la mémorisation qu'elle a pris le parti d'examiner. Ainsi La Chambre de la mémoire est-elle bâtie sur un paradoxe : alors que les arts de la mémoire surgissent dans une société orale, c'est à l'âge de l'imprimerie qu'ils rencontrent le plus grand succès. Perdant de leur utilité initiale, ils gagnent en efficacité rhétorique. L'auteur examine les diagrammes, le langage chiffré, les alphabets figurés, les rébus, les jeux littéraires, les métaphores et les mythes, autant de modèles qui obsèdent la culture italienne du XVIe siècle et sur lesquels s'exerce une inépuisable érudition mnémotechnique. Son ouvrage reconstruit une culture qui expérimente le pouvoir des images et qui agrée la fascination de la mémoire comme la difficulté d'oublier ; ce faisant, il explore un territoire qui, aux confins de la raison et du désir, hésitant entre le corps et la psyché, lie définitivement les arts de la mémoire aux mécanismes de la création.