Petit-fils du célèbre poète et critique Reza Qouli Khan Hedayat, Sadegh naquit à Téhéran le 17 février 1903. Il n'y a que peu à dire de sa vie extérieure. Son indépendance intellectuelle, sa modestie, sa pureté d'âme lui ont fait choisir en effet l'existence effacée et les souffrances d'un être d'élite qui se refuse aux compromis. Sa grande douceur de coeur, un esprit toujours prompt à saisir le ridicule des choses, son indulgence aussi pour ceux qu'il aimait, tempéraient seuls son mépris de ce monde.
Formé à la lecture des maîtres modernes de l'Europe, mais également pénétré d'un profond amour pour le folklore et les traditions de sa patrie, S. Hedayat a cherché son inspiration auprès du peuple de l'Iran. Cependant, la passion avec laquelle l'écrivain s'est penché sur les religions de la Perse antique et sur les superstitions et les pratiques de magie populaire qui en dérivent, a éveillé aussi chez lui le goût de l'insolite et, bien souvent, il écarte les étroites barrières de la réalité, pour laisser le merveilleux envahir la vie de ses personnages : l'action d'un roman comme La Chouette aveugle se situe très loin de l'espace et du temps ordinaires.
Comme les plus grands poètes de sa race - on songe à Omar Khayam, le seul, d'ailleurs, qu'il aimait - S. Hedayat est un pessimiste. C'est un regard désespéré qu'il promène sur le monde. Cet univers aux lois impénétrables, mais absurdes et cruelles, s'il entr'ouvre parfois devant nous ses cercles les plus fantastiques, loin de nous offir alors la promesse d'une destinée meilleure au-delà de l'existence terrestre, nous apparaît toujours baigné de la même sinistre lumière. Rien à espérer de cette vie, rien non plus d'une autre. Telle est l'obsession que l'on retrouve à chaque ligne de La Chouette aveugle.
Sadegh Hedayat s'est donné la mort à Paris, rue Championnet, le 9 avril 1950.