Loin d'être purement spéculative, la philosophie cherche à connaître les
conditions de la transmission et à orienter les fins de l'enseignement à
partir d'une analyse des normes et des valeurs. Réciproquement, la
pédagogie s'organise autour de théories et de concepts dont la pertinence
intéresse d'autant plus la philosophie que souvent elle lui doit beaucoup.
Si la philosophie peut se faire théorie pratique, la pédagogie est souvent
une pratique théorique.
Ces promenades philosophiques convient le lecteur à circuler entre des
plans d'éducation de philosophes (d'Aguesseau, Bergson) et des idées
philosophiques de pédagogues (Ferrière, Freinet) en passant par des
paradigmes et des métaphores (la loi de récapitulation) et des problématiques
aux résonances actuelles (la laïcité, l'autorité). Le choix des philosophies
françaises (d'Aguesseau, Condillac, Rousseau, Comte, Lachelier, Beaussire,
Bergson, Alain, Durkheim, Kojève...) s'explique par leur influence sur
notre conception de l'école mais aussi par l'intérêt de points de vue
philosophiques injustement négligés ou laissés à la marge par l'histoire
officielle de la pensée éducative.
Le paysage cohérent qui se dessine au fil des chapitres permet de mettre en
perspective notre propre système éducatif. Au terme de sa «démocratisation»
l'école donne l'impression d'une entreprise de formatage chargée d'inculquer
des jugements conformes, standardisés, cyniquement présentés comme les
productions d'un citoyen qui aurait appris à «penser par lui-même».
L'exaltation des valeurs modernes n'est souvent qu'un prétexte à la
domestication de l'individu, le but étant la fabrique d'un homme
compétent et coopératif, adapté aux nouvelles formes de société. Le regard
critique et volontiers nietzschéen de l'auteur, qui emprunte ses outils
d'analyse à des théories de l'action qu'il fait revivre pour l'occasion,
éclaire cette situation d'un jour nouveau.