«Je suis né le visage bleu, étranglé par le cordon, et
depuis il m'arrive sans arrêt des bêtises. Laura dit que
mon karma veut ça. C'est tout toi ! s'écrie-t-elle. Et la
voilà partie de ce rire fracassant qui m'avait fait penser
à un déraillement la première fois qu'il avait résonné à
mon oreille, à la piscine Deligny, alors que je tombais
en tournoyant du plongeoir, telle une mouette foudroyée.
Laura se moque, mais elle sait combien l'existence
est déroutante et bizarre. Pour maman au contraire,
peut-être parce qu'elle avait un camelot pour
mari, un de ces "raconteurs d'histoires", l'extraordinaire
équivalait au mensonge. Le soir où, rentrant de
l'école en marche arrière, j'avais heurté un réverbère,
elle a fait un foin de tous les diables. Mon Dieu, ce
sang. Qui t'a assommé ? Quel est le voyou ? Je veux
son nom, Robby. Ainsi sont beaucoup de gens, ils
n'imaginent pas qu'on aille dans la vie à reculons.»
Robin Bronski a hérité de son père, «marchand volant
de l'âge d'or», une verve poétique truculente, et
de sa mère une solide névrose. Le blues de ce sexagénaire
anxieux se transforme en une confession drôle et
pétillante, pleine d'ironie par sa jeunesse, ses illusions
et ses amours.