Dans un village de Palestine, un modeste enfant aux longues
jambes grêles, aux épaules tombantes et au nez allongé se retrouve
affublé par sa grand-mère d'un malencontreux sobriquet
composé en arabe de deux segments identiques - laqlaq ("la
cigogne") -, sobriquet qui inoculera à l'enfant la manie d'en
inverser les syllabes à l'infini. La vie du personnage sera à l'image
de son nom : une suite absurde de séparations, de dislocations,
de dédoublements, qui l'amèneront, comme un oiseau déboussolé,
à ne plus savoir de quel côté de la ligne il se trouve.
Après L'Histoire du scorpion qui ruisselait de sueur, où il creusait
la métaphore du vide et de l'absence, Akram Musallam nous
offre un nouvel opus subtilement mené, dans lequel, explorant
la figure de la frontière, il s'attache à déconstruire les logiques
spatiales de la domination. Avec une ironie mordante, qui n'est
pas sans rappeler celle de son compatriote Émile Habibi dans
Les Aventures extraordinaires de Sa'îd le Peptimiste, il met à nu leurs
effets sur la vie intime de gens paisibles et ordinaires - un grand-père
attaché à ses oliviers et au souvenir des morts, une grand-mère
espiègle, une vieille voisine diseuse de bonne aventure,
son fils arriviste - que rien ne destinait à faire face à de telles
équivoques ni de tels imbroglios.