Ecrite en 1833, La Comédie non divine, dont le titre fait référence à l'œuvre de Dante, fut publiée anonymement - pour ne pas nuire à la famille Krasinski - deux ans plus tard à Paris. Zygmunt Krasinski avait à peine vingt et un ans lorsqu'il rédigea ce drame poétique qui fait partie aujourd'hui des classiques du romantisme polonais. Profondément ébranlé par la révolution française de 1830, par les émeutes ouvrières de Lyon ainsi que par les opinions très conservatrices de son père lors du soulèvement polonais de 1830, le jeune poète y livre une réflexion sur le mouvement révolutionnaire : «J'ai écrit un drame traitant des affaires présentes de ce monde, du principe aristocratique et populaire.
Le héros est un comte et un poète tout ensemble ; je l'ai mis en contraste avec un chef populaire, un homme de génie sorti de l'obscurité et s'avançant à la tête d'un million de cordonniers et de paysans. J'ai introduit des scènes convulsives sur les ruines de cathédrales abattues, des chants pleins de frénésie, des chœurs de juifs baptisés, de saint-simoniens, de femmes libres, de prophètes de l'avenir, de valets de chambre émancipés, de bouchers indifférents à tout sauf à la passion du sang, de clubs d'assassins. Puis, au milieu de cela, j'ai montré le chef comprenant son œuvre, et les prosélytes, entraînés par l'enthousiasme, ne comprenant rien...»
Ce texte, antirévolutionnaire dans son essence, porte néanmoins un jugement lucide et sans complaisance sur le monde déchu de l'aristocratie. L'intérêt de La Comédie non divine réside dans son caractère prémonitoire, sa lecture des faits historiques devançant son époque.