L'islam a connu une progression fulgurante au Burkina Faso depuis les dernières décennies. Ce pays, autrefois qualifié de « fille aimée de l'Église », compte aujourd'hui plus de
60 % de musulmans. Outre leur importance numérique, ceux-ci se sont montrés dynamiques
depuis le tournant des années 1990, notamment avec un foisonnement associatif particulièrement important, comme en témoignent les 240 associations islamiques officielles à
l'échelle nationale. Ouagadougou, la capitale, compte à elle seule plus de 600 mosquées.
Afin de saisir les profondes mutations qu'a subies l'islam burkinabé, les relations internes
souvent tendues entre ses tendances et les rapports complexes qu'a entretenus cette
religion avec l'État depuis l'indépendance, l'auteur a fait deux séjours au Burkina Faso,
allant à la rencontre de trois générations d'imams et de prêcheurs.
Frédérick Madore montre comment l'islam peut constituer un vecteur d'autonomisation pour
de jeunes musulmans. Pour certains, l'acquisition d'une légitimité et d'une autorité religieuse
leur permet de s'émanciper en partie du poids des structures sociales et ethniques, caractérisées notamment par la gérontocratie. En outre, l'auteur présente les rapports entre les
musulmans et l'État burkinabé comme un système d'interactions et d'échanges asymétriques entre partenaires dotés de ressources inégales. La déconstruction de cette relation,
souvent clientéliste, lui permet d'examiner, d'une part, le jeu de l'État pour réguler, contrôler
et instrumentaliser les musulmans et, d'autre part, les ressources que peuvent mobiliser
ces derniers pour négocier les termes de leur subordination, ménager des espaces d'autonomie, revendiquer des changements politiques ou participer à la formation d'une sphère
publique musulmane. Loin d'être exclusives à l'islam burkinabé, des dynamiques similaires
s'observent ailleurs au sud du Sahara.