Incontestablement, le football reste en Corse le sport «national» déchaînant les passions et défrayant parfois la chronique sportive et politique; nombreuses furent les occasions qui excédèrent le cadre sportif et envenimèrent les relations complexes que l'île entretient encore aujourd'hui avec le Continent. Que l'on se souvienne des échauffourées au sortir des stades, de l'affaire Bastia-Lens (1972), du drame de Furiani (1992) ou encore, plus près de nous, de «La Marseillaise» sifflée lors de la finale de la Coupe de France (2002). Mais à y regarder de plus près, apparaissent les profondes mutations des enjeux extra-sportifs au cours des trente dernières années; image d'une exigence déçue d'intégration d'une part, symbole de l'affirmation d'un certain nationalisme corse d'autre part.
Au-delà de l'aspect strictement sportif - qui sert de colonne vertébrale à l'ouvrage - une analyse est proposée ici des rapports du football avec le phénomène identitaire en Corse, de l'apparition du ballon rond dans l'île jusqu'à la fin du XXe siècle. Apparu dans l'indifférence générale, le football fut quasiment ignoré par la bourgeoisie insulaire jusqu'au début des années vingt; elle sut ensuite le récupérer sans pour autant en faire un objet vraiment politique, à la différence notable de ce qui se passait sur le Continent. U ballo sut toutefois irriguer les passions et devenir un élément à part entière de la culture corse et un reflet de son peuple. L'intégration tant désirée aux compétitions nationales (années soixante) eu l'effet d'un véritable choc culturel dont, un temps, les nationalistes corses surent tirer profit, les équipes engagées dans les différents championnats devenant les porte-drapeaux de l'esprit de résistance et de combat prônés sur d'autres plans. Néanmoins, cela ne devait jamais déboucher sur la mise en place d'un football réellement identitaire dont la création d'une sélection corse officielle aurait été le meilleur représentant, agrégeant les sentiments de patriotisme national d'une communauté à la recherche des symboles de son unité.
Ici, comme dans de nombreuses régions en périphérie, le football dans son intrication profonde avec le substrat social est un révélateur puissant des courants qui traversent la sphère du politique.