En cette nuit du 11 septembre 2001, Mae n'est pas,
comme d'ordinaire, en train de rôder, fusil en main,
dans les ténèbres du désert du Nevada : dans la caravane
où elle vit seule, elle se repasse en boucle les
quelques secondes de vidéo où elle vient de reconnaître,
parmi les New-Yorkais paniqués courant dans les décombres,
le visage convulsé de Laurel, la femme qu'elle
a aimée et qui a disparu de sa vie depuis trente ans.
Loin de partager l'effroi que suscite sur la planète entière
le spectacle des deux tours qui ne cessent de s'effondrer,
Mae y lit une invitation longtemps espérée à assumer
de nouveau pleinement la cruauté à laquelle elle a, très
jeune, été initiée par son propre frère avant que, entre
drogue et sexe, Laurel et elle ne fassent, jusqu'au bout,
l'apprentissage de la violence au sein d'une secte restée
célèbre pour l'atrocité d'un de ses crimes "rituels" à la
fin des années soixante.
Mais Laurel, contactée, refuse radicalement de renouer
avec cette dangereuse mémoire dont Mae, qui
hait la pusillanimité des "mortels", se veut la gardienne
farouche et passionnée. Lâchée dans ses rêves de carnage
et de sanctuaire amoureux, Mae accule alors son
ancienne compagne à une ultime rencontre.
A travers le saisissant personnage de Mae faisant
fusionner au creuset de son délire deux des épisodes
les plus emblématiques de l'histoire récente des Etats-Unis,
Madison Smartt Bell en appelle aux mythes dionysiaques
pour interroger avec audace le présent d'une
humanité dont la propension archaïque à rechercher
l'extase dans la catastrophe contribue à façonner l'éternel
enfer.