Depuis vingt ans, l'insolente prospérité
de l'économie américaine et la contre-performance
européenne et française
nourrissent le discours à la mode des «déclinologues»
: à défaut d'imiter enfin le libéralisme
et la flexibilité de l'Amérique, nous resterions
durablement à la traîne. Il faudrait nous en
remettre à la «main invisible» du marché, et
amputer la main maladroite et sclérosante de
l'État.
Or, ce diagnostic est un contresens total.
L'auteur nous guide ici au coeur des politiques
économiques américaines, et l'on découvre que
la flexibilité ou le recul des régulations publiques
ne sont pour rien dans une performance qui
résulte, bien au contraire, d'une intervention
massive de l'État qui soutient la croissance,
promeut la recherche et l'investissement dans
les nouvelles technologies et assure ainsi le plein
emploi. On est à mille lieues de l'État minimal
et du laisser-faire chers aux libéraux : toutes les
interventions publiques interdites ou étroitement
limitées dans l'Union européenne sont utilisées à
volonté par les administrations américaines.
Avec une documentation imparable et dans un
style limpide, l'auteur démontre que le déclin
relatif de notre économie provient ainsi de
l'abandon du «vieux» modèle keynésien européen
que les Américains, eux, ont su préserver ! Mieux,
il montre comment certains pays de l'Europe
du Nord ont pu obtenir des performances
comparables à celles des États-Unis, mais sans
développer les folles inégalités qui caractérisent
ces derniers. Notre «modèle social» de l'État-providence
n'est donc pas en crise, c'est son
abandon qui nous mène à la crise.