Les psychophysiciens, malgré leur louable intention de quantifier l'âme, me paraissent négliger justement les deux seuls grandeurs internes dont les variations continues, les degrés homogènes, suggèrent naturellement l'emploi du calcul, quoiqu'elles échappent à l'application des instruments physiques de mesure : à savoir la croyance et le désir, et leurs combinaisons réciproques, le jugement et la volonté...
La croyance, le désir, les sensations : avec ces termes précis, nettement saisissables, on peut tout faire psychologiquement, comme, extérieurement, avec ces trois termes non moins distincts et intelligibles, l'espace, le temps, les matières. Mais, remarquons-le, en utilisant ces éléments pour faire tout naître de leurs accouplements, nous devons tendre à subordonner les plus obscurs aux plus clairs et non ceux-ci à ceux-là, et la perfection scientifique consisterait même à supprimer, s'il se pouvait, les plus obscurs, ou à les ramener aux autres. Or l'obscur en psychologie, c'est la sensation en ce qu'elle a de propre, de sui generis ; dans les sciences extérieures, c'est la matière en ce qu'elle a de chimique et de qualifié. Aussi semble-t-il aux savants qu'ils auraient atteint l'apogée du savoir humain le jour où ils auraient absorbé l'idée de matière dans l'idée de mouvement, laquelle n'est presque qu'une combinaison des deux idées d'espace et de temps.
La croyance et le désir, dans leur forme soit positive soit négative, peuvent se combiner, ensemble ou séparément : 1) soit avec les sensations différentes, fortes ou faibles, ces dernières nommées images ; 2) soit l'une avec l'autre, mais de plusieurs manières...