La culture occidentale doit - la cause est entendue - à ses sources judéochrétiennes et au mythe de la faute originelle sa conscience malheureuse, son sentiment morbide de culpabilité si aisément ravivé par la conscience de l'adhésion accordée par soi-même ou par ses pères à maint crime collectif. Pour ne pas parler du sentiment intime de culpabilité, poison des vies individuelles.
S'employer à liquider dans les lettres et dans les esprits ce sentiment exagéré, métaphysique et religieux est, depuis Nietzsche au moins, apparu comme une œuvre salubre, libératrice, propre à dénouer le lien infernal entre le sentiment de culpabilité et le besoin trouble de l'alimenter.
Or, l'affaiblissement du modèle judéo-chrétien de la faute aura surtout mené, ici à une réactivation dangereuse de conceptions bien plus archaïques de la culpabilité, dont témoigne la logique d'accusation qui sous-tend le pharisaïsme moral contemporain, et là à un déni de toute forme de culpabilité qui se traduit par l'incapacité à se représenter la souffrance d'autrui et à assumer une quelconque responsabilité personnelle.
D'où l'importance et l'actualité du travail proposé ici. Une approche plurielle (convoquant le droit, l'éthique, la politique, la théologie, la métaphysique et la psychanalyse) permet à l'auteur d'éclaircir notablement les débats contemporains sur la responsabilité et la réparation, et de proposer une approche raisonnée du juste sens de la culpabilité comme moment nécessaire de la finitude humaine.