Ce livre est la réédition d'une recherche menée il y a vingt-cinq
ans sous l'égide du ministère de la Culture, auprès de quinze garçons et
quatorze filles de 18 à 25 ans de la région grenobloise en situation
d'apprentissage, à partir d'entretiens en profondeur portant sur les
modes de vie et les pratiques culturelles. L'hypothèse de départ s'inscrit
dans une perspective d'analyse existentielle où l'on considère que
la culture de chaque individu ne livre son sens qu'à être resituée dans
son rapport au monde qui se définit en rapport aux autres, rapport au
temps, rapport à l'espace, rapport à l'argent, rapport au corps.
Rien ne se dévalue plus vite que la jeunesse, rien n'est plus exposé
à l'innovation que les pratiques culturelles. On prend ici le pari que
cette étude porte des leçons recevables aujourd'hui sur le sens des pratiques
culturelles dans un contexte de précarité et d'incertitude. On
considère trop souvent la culture comme l'apprentissage d'un certain
nombre de pratiques légitimes quand elle est d'abord une manière
d'être au monde, une façon d'inventer sa vie.
Vingt-cinq ans après, les jeunes qui ont donné naissance à cette
recherche sont devenus largement adultes. Certains ont atteint ou
dépassé la cinquantaine, ont peut-être des enfants dans lesquels ils ne
se reconnaissent pas. Sortis de l'anonymat par le hasard et la grâce
d'une enquête sociologique, ils ont été porteurs d'une leçon qui les
dépasse, et peut être aujourd'hui entendue. À partir d'un système de
contraintes, il est possible pour chacun de tracer dans le territoire de la
culture des formes d'expression et de réalisations personnelles qui définissent
un espace de choix et de liberté.