« Décidément nulle île ne reste une île », conclut Michelle Zancarini-Fournel dans sa préface à La Décolonisation improbable.
À la lecture du travail historique présenté dans cet ouvrage, on comprend en effet que l'évolution politique heurtée de la Guadeloupe et de la Martinique, entre 1943 et 1967, s'explique autant par la singularité des cultures politiques établies que par l'impact des conjonctures internes et externes aux territoires antillais.
Une vingtaine d'années sépare la période de la Libération aux Antilles françaises de la sanglante tragédie de mai 1967 en Guadeloupe. Cette période a représenté pour certains les années glorieuses d'une sortie de la société d'habitation et l'exemple inédit, réussi, d'une décolonisation « à la française ». On peut aussi l'analyser comme une pathétique faillite du politique.
Sur la foi d'une documentation impressionnante et d'une enquête historique minutieuse, Jean-Pierre Sainton retrace le cours d'une décolonisation qui fut « improbable », empruntant le détour paradoxal d'une intégration politique des vieilles colonies antillaises à leur métropole, à l'heure du mouvement mondial d'accession à la responsabilité.
Cette étude, délicate, car dédiée à un temps historique contigu et sensible, bouleversera bien des certitudes : elle remet en cause les schémas préétablis et renouvelle la perception d'une histoire sociale et politique contemporaine antillaise, éminemment complexe et problématique.
Elle rappelle ssurtout, à un moment où la pensée est plus que jamais sommée de se figer et de se soumettre à un soi-disant principe d'inéluctabilité, que l'histoire est la connaissance des sociétés humaines en mouvement. « Science du changement », comme le faisait observer Marc Bloch, l'histoire n'est jamais finie. Elle ne saurait être écrite une fois pour toutes.