Dans le renouvellement de l'histoire et de la réflexion politiques auquel on assiste aujourd'hui, a-t-on accordé suffisamment d'attention à la façon dont les femmes ont vécu et pensé l'avancée de la démocratie au XIXe siècle ?
Trois femmes, Jeanne Deroin, Désirée Gay, Eugénie Niboyet, éclairent particulièrement bien ces zones d'ombre. Trois destins ni entièrement représentatifs de toutes les femmes ni totalement marginaux. Saint-simoniennes non orthodoxes, socialistes déviantes, elles ne conçoivent pas un nouveau modèle politique mais jettent sur la démocratie des années 1830-1848 un regard critique révélant les enjeux de pouvoir que masque l'universalité des principes proclamés.
A travers cette socio-biographie, Michèle Riot-Sarcey, maître de conférences à l'université de Paris-VIII et membre du CNRS (URA-Lyon-II), renverse un double présupposé : d'une part un mode de penser l'histoire trop linéaire, qui néglige les conditions concrètes de l'élaboration démocratique ; d'autre part une analyse du rôle des femmes dans la nouvelle société, qui perpétue les représentations que l'époque fait déjà peser sur elles.
En brisant le silence qui s'était refermé sur ces trois témoins depuis le milieu du XIXe siècle, ce livre apporte un peu d'inquiétude dans l'analyse rassurante de la genèse des sociétés modernes.