La dette des familles
Femmes, lignage et patrimoine à florence aux XIVe et XVe siècles
Pour que la maison des pères fonctionne à la perfection, seuls les hommes doivent se succéder dans la continuité temporelle de la famille et la transmission des biens patrimoniaux. Les femmes sont et ne sont pas dans la durée du lignage. Ces femmes, par qui le lignage patrilinéaire se renouvelle et perdure dans la suite des générations qu'elles engendrent, devraient aller et venir entre les maisons, passer et se suivre sans succéder. Or, un des paradoxes du système dotal médiéval, c'est que les femmes, grâce à leur dot, ne sont pas complètement exclues du processus de dévolution des biens : elles sont et ne sont pas héritières de leurs ancêtres. Elles risquent ainsi, toujours grâce à leur dot, de rentrer dans la continuité temporelle des biens de la famille et donc de la famille elle-même. Car grâce à leur dot qui leur permet d'entrer dans les maisons des hommes par mariage, les femmes n'engendrent pas que des mâles pour le lignage, elles inaugurent aussi une autre ligne, une autre succession. Les femmes sont donc à la fois destinataires et agents dans le processus de transmission des biens : à défaut de pouvoir les déshériter totalement, les hommes s'efforcent de neutraliser leurs biens dotaux en les réduisant à de simples créances et de faire en sorte que ce patrimoine féminin soit dénué de tous les pouvoirs inhérents à la fonction de transmission, car c'est elle qui engendre la permanence et permet d'agir sur le temps. Pour entretenir cette puissante illusion d'optique qu'est la maison des pères, il faut enlever aux biens qui passent aux femmes et qui passent par les femmes toute dimension temporelle. Ce livre raconte l'histoire de ce combat mené par les Florentins de la fin du Moyen Âge pour réduire les droits successoraux des femmes, contrôler aussi bien leur pouvoir patrimonial que leur capacité de transmission et les maintenir à titre de suivantes dans la succession et la continuité des familles. Mais il raconte aussi que ce combat n'est jamais complètement victorieux.