Aucun fantôme n'est innocent. Ils ont beau faire assaut de fluidité, de déguisements nocturnes riches en voiles seyants et parfumés, ils surgissent toujours en obstacles barrant la route aux vivants.
Ils ? Elles surtout ! Les femmes qui ont transformé certaines enfances dominées par l'amour en Jardin des Délices, se changent pourtant en buées sur le miroir des chambres, assez envahissantes pour rendre opaque tout avenir.
Le héros de ces quatre histoires liées par la présence/absence de tels fantômes qui prétendent substituer leur amour spectral à la chaleur vitale qui jadis leur donnait corps, tente de résister au personnage féminin qui l'obsède. Le divertissement, celui par exemple qu'apporte le voyage en compagnie d'amis de son sexe et de son âge, semble être une solution. Ou bien le plaisir tiré de liaisons sans suite.
Remplacer le rêve de nuit, sur lequel on a si peu de prise, par la merveilleuse rêverie éveillée, apte à ressusciter par bouffées le petit garçon qu'il fut, voilà aussi un remède efficace à la mélancolie, du moins tant d'esprits fiers de leur force ont pu le croire.
Mais peine perdue ! Rien ne décourage une femme amoureuse, si elle est devenue fantôme. Alors, une seule chose lui reste à faire, peut- être risquer le tout pour le tout. Prendre une feuille de papier (l'ordinateur, ici, n'est de nul secours), une plume, ouvrir le flacon d'une encre si sympathique que nul ne pourra lire ses mots derrière l'épaule du rédacteur, et recommencer une lettre, interminable lettre et sans réponse possible, à la Disparue.