La disparue de San Juan
« L'histoire de Marie-Anne mérite un livre ; ceux qui l'ont enlevée en 1976 doivent savoir qui elle était, et mesurer ainsi - en sont-ils capables ? - l'horreur de leur crime. S'ils comparaissent un jour devant un tribunal, ils brosseront d'elle un portrait mensonger, peut-être même l'accuseront-ils d'avoir été une "terroriste", une tueuse, une poseuse de bombes. Tout cela est stupide ; Marie-Anne n'a jamais tué personne, elle était incapable de violence. Mais il faut reconnaître qu'elle a eu un parcours déroutant, digne d'un film ou d'un roman. »
Marie-Anne Erize avait vingt-quatre ans, un physique de mannequin, des utopies de rebelle. Née au sein d'une famille française établie en Argentine, elle a grandi dans la jungle du nord du pays avant de suivre une trajectoire exceptionnelle. Des bidonvilles de Buenos Aires aux quartiers chics de Paris, des coulisses de la mode à celles de la guérilla, elle a flirté avec tous les univers. Et puis des militaires en civil l'ont enlevée à San Juan.
Ses proches ne l'ont jamais revue. Sa mère, Françoise, n'a cessé de se battre contre l'oubli, dans ce pays où la dictature (1976-1983) a fait plus de 30 000 victimes. Aujourd'hui encore, elle ne cesse d'espérer que le corps de Marie-Anne sera un jour retrouvé, et ses assassins identifiés.
Peu importe que cette histoire remonte à plus de trente ans. Philippe Broussard a voulu la raconter. Partir sur les traces de la disparue de San Juan. En France comme en Argentine, il a interrogé des dizaines de témoins, exhumé des archives et tenté d'assembler, peu à peu, le puzzle des multiples vies de Marie-Anne Erize.
Ces investigations aideront sa mère à mieux la comprendre. Elles apporteront aussi à l'enquête des éléments inédits contre le principal suspect, Jorge Olivera, un officier d'extrême droite devenu avocat.