Dans la traversée de la vie, de ses tout-débuts jusqu'à son extrême
fin, dans ses liaisons possibles avec le plaisir ou dans ses dérives
mélancoliques, la douleur reste la compagne fidèle du corps
et de la psyché.
La douleur relève de l'effraction, par rupture des barrières, par excès
d'excitation, une implosion violente qui déborde les limites du moi-corps.
Si le privilège est accordé à l'expérience de satisfaction dans
la construction du psychisme, du moi et de ses objets, dans la création
des fantasmes et des représentations, la douleur fait toujours retour,
comme expérience humaine inéluctable et sans doute indispensable
parce que toujours liée à la perte d'objet.
La douleur ne se confond ni avec la détresse ni avec la souffrance.
Elle en désigne l'au-delà dans une radicalité qui défait les liaisons trop
convenues entre les affects et les représentations. Comme éprouvé pur,
elle peut exclure la part de l'autre et, en particulier, sa fonction
consolatrice. Elle peut aussi - et ce sont là son essence et son destin
en psychanalyse comme dans la littérature - constituer un point d'appel
pour les mots et donc pour celui qui les dit ou les écrit.