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On n’a pas oublié qu’en 1950, Joseph Zobel recevait le Prix des Lecteurs pour son roman La Rue Cases-Nègres. Il y racontait l’histoire émouvante d’un jeune Martiniquais, le petit José, conduit par sa grand-mère, au prix de sacrifices déchirants, jusqu’au baccalauréat. Cet ouvrage, où la misère conservait un parfum d’épices, se distinguait par la simplicité de l’intrigue, l’émotion du ton, la cocasserie débonnaire du style. Aujourd’hui, José, devenu Joseph Hassam, quitte Fort-de-France pour poursuivre ses études à Paris. La rue Cases-Nègres débouche sur le boulevard Saint-Michel. Et voici La Fête à Paris. Le titre seul de ce second roman indique assez par antiphrase dans quel état d’esprit le jeune étudiant de couleur nous raconte son premier rendez-vous avec la métropole. « Adieu foulards, adieu Madras... », chantaient, après l’autre guerre, les oiseaux des Iles. Ici et maintenant, la nostalgie se veut plus dure ; la mélancolie le cède volontiers à la revendication. A cet égard, le livre de M. Joseph Zobel ne mâche pas des vérités, dont certaines sont bonnes à dire et d’autres peut-être moins. Il nous est apparu que celles-ci comme celles-là contribueraient à préciser les contours d’un monde « aux épaules chargées et au cœur lourd » : celui des communautés de l’Union française essaimées à travers la capitale et que saisissent des angoisses soudaines, des paniques sans raison. Mais ce serait réduire singulièrement les charmes de cette œuvre de n’y voir qu’un document. La découverte du printemps parisien, les promenades avec Marthe, les anecdotes évoquées à croupetons dans les chambres des hôtels meublés : autant d’éléments romanesques où s’accuse le visage d’une Bohême noire, à la fois plus austère et plus rieuse que l’autre. A la fin Joseph regarde ses camarades, chargés de diplômes, regagner leur pays natal. Car il ne les suivra pas : « Je veux continuer, dira-t-il. Pas mes études, mais d’abord cette sorte de compagnonnage qui me justifie à moi-même. » Sa mère, sa grand-mère, qui se sont saignées aux quatre veines ? Elles ne l’attendent pas. Elles ont simplement voulu un beau jour qu’il puisse « aller loin, bien loin d’elles, parmi les hommes, sans qu’elles aient à trembler de peur pour lui ».