« J'ai parlé en arabe, comme si je n'avais jamais parlé une autre langue avec ma mère. Elle frissonnait, elle n'avait pas froid pourtant, elle serrait mes mains, moi je parlais, je parlais, des paroles douces me venaient pour l'apaiser avant les paroles de vérité, les plus dures pour elle, mais elle écoutait ce que disait la langue de sa mère dans la bouche de sa fille, tantôt souple et je l'entendais respirer calmement, tantôt raide et elle se mettait à haleter. Elle m'a écoutée, jusqu'au bout, sans rien dire. Des larmes coulaient, régulières, l'une après l'autre, ma mère gardait les yeux fixes et les larmes coulaient, je ne reconnaissais pas ses beaux yeux, célèbres des deux côtés de la mer, dans nos familles et au-delà, des yeux clairs rieurs et doux, doux pas toujours, ils lançaient parfois des éclats comme le tranchant d'une lame de guerre, ses yeux figés ne me voyaient pas, ils étaient pris dans le chagrin. Elle m'écoutait, mais j'avais peur qu'elle se mette à crier. Vous savez comment elles crient, les femmes ? »