La fin du cheval n'est évidemment pas celle du cheval comme espèce,
mais celle du cheval comme «moteur». Lorsqu'en 1899, Pierre Giffard
publie La Fin du cheval, essai historique et polémique illustré par Albert
Robida, cela s'inscrit dans un moment où s'impose une bascule technique,
économique et sociale quasi définitive dans l'univers industriel de la fin
du XIXe siècle : la perte de toute légitimité accordée à la traction animale
comme mode de transport. La locomotive, la bicyclette et l'automobile
invalident alors inexorablement l'équidé qui, même dans les campagnes,
entame un irrésistible déclin. Aussi, Pierre Giffard cultive la nostalgie de
cet univers fait de sensations, d'attentes, de gestes ou de désirs grâce
auxquels l'homme et l'animal allaient l'amble dans la quotidienneté du
déplacement. A sa façon, l'auteur se soumet à la loi du progrès, et la fin
du cheval permet ainsi de dessiner et imaginer les locomotions du futur.
Placé au coeur de passions politiques, sous couvert de promotions concurrentes
du sport cycliste et automobile, objet de la vindicte du Comte de
Dion, le père de la marque automobile célèbre, et d'Henri Desgrange,
l'inventeur du Tour de France, cet ouvrage, jamais réédité, était devenu
introuvable. Souvent cité, plus rarement lu, La Fin du cheval vaut
également par les illustrations, tout à la fois nostalgiques et visionnaires,
d'Albert Robida.
Dès lors, une réédition commentée, reprenant scrupuleusement et le
texte de Pierre Giffard, et les illustrations d'Albert Robida, s'imposait
pour prendre enfin la pleine mesure d'un ouvrage dont l'enjeu va bien
au-delà d'une simple chronique par défaut du progrès.