« J'aurais voulu pleurer, mais ce n'était pas possible, car j'attendais qu'il se passe quelque chose, quelque chose que j'ignorais encore. Je me rappelais ce que m'avait dit un jour Grand-mère sur le serpent blanc qui sortait du mur chaque fois que quelqu'un mourait. Je savais que ce n'était qu'un conte, je ramenai pourtant mes jambes sur la chaise, car c'était peut-être un conte vrai. En me réveillant, je crus que j'avais rêvé. Mais j'étais bel et bien dans le fauteuil ; dehors, le jour se levait, les oiseaux chantaient et j'avais froid. Grand-mère était couchée avec le fichu que je lui avais noué autour de la tête. Je l'écoutai et me dis que tout le silence l'avait quittée et qu'il n'y avait plus rien en elle. »
Péter Nádas, La Fin d'un roman de famille, 1977.
La Fin d'un roman de famille est le premier des trois grands romans de l'écrivain hongrois Péter Nádas (né en 1944), avant Le Livre des mémoires (1986) et Histoires parallèles (2005). Sa traduction par Georges Kassai était initialement parue dans la collection « Feux croisés » dirigée par Ivan Nabokov, chez Plon, en 1991.