Mémoires de Mademoiselle de Montpensier
Tome VII (1670-1673)
« Dieu est le maître de nos états : il nous y laisse autant que la variété de nos esprits le peut souffrir. Il avait permis que j'eusse regardé le mien comme le plus heureux que je pouvais choisir au monde : je devais me trouver satisfaite de ma naissance, de mon bien, et de toutes sortes d'agréments qui peuvent faire passer la vie sans être incommode à soi-même ni à charge à personne. Cependant, comme je l'ai déjà dit, sans en savoir la raison, je m'ennuyais des endroits où je m'étais plu autrefois ; j'en affectionnais d'autres qui m'avaient été indifférents ; j'aimais la conversation de M. de Lauzun, sans qu'il me passât rien de fixe dans la tête. Après avoir passé un très long temps dans ces agitations, je voulus rentrer en moi-même, et démêler ce qui me faisait du plaisir et ce qui me donnait de la peine.
Je connus qu'une autre condition que celle que j'avais éprouvée jusque là faisait toute mon occupation ; que si je me mariais, j'en serais plus heureuse ; que de faire la fortune de quelqu'un, de lui donner de grands établissements, il m'en saurait gré ; il serait touché, il aurait de l'amitié pour moi, et s'étudierait à faire tout ce qui me pourrait plaire.