C'est un curieux caractère que celui de La Fontaine, surtout si l'on compare ses façons aux moeurs régulières, réfléchies et sérieuses des gens d'alors. Ce naturel est gaulois, trop gaulois, dira-t-on, exempt de grandes passions et enclin au plaisir. Il faut reconnaître qu'il avait trouvé autour de lui des exemples, et que ces exemples n'étaient pas trop édifiants. La vie bourgeoise était gaie, avant la Révolution, dans les provinces. Faute d'issue, l'ambition était petite; faute de communications, l'envie manquait; on n'essayait pas d'imiter Paris. Les gens restaient dans leur ville, s'arrangeaient une maison commode, un jardin, une bonne cave, dînaient les uns chez les autres, souvent, joyeusement et abondamment, avec des contes salés et des chansons au dessert. Ils aimaient les gaudrioles, faisaient des mascarades, vidaient des quartauts, mangeaient des grillades, et n'avaient pas des moeurs exemplaires...
C'est parce qu'il y a une France, ce me semble, qu'il y a eu un La Fontaine et des Français.