Dans le contexte actuel, et face aux assauts des lois
mémorielles et des interrogations sur l'identité nationale,
il s'agit, à propos de la colonisation française, de dire le
plus vrai qu'il est possible, sans soupçons ni remords.
Aujourd'hui, il n'est pas plus question de se contenter de refaire
le procès du colonialisme ou d'un «système» colonial, que
de glorifier une «épopée» : il s'agit de tenir compte des
interpellations du présent et d'affirmer qu'en effet une France
«coloniale» a existé, et qu'elle a une légitimité à l'instar de la
France «rurale», «urbaine», «politique» ou «culturelle».
Faire ici de l'histoire exige de rappeler ce que la France a entendu
aux XIXe et XXe siècles par «colonies» et «colonisation», et ce
qu'il en a été en intentions comme en actes : qu'impliquait le rêve
de Jules Ferry ? Comment évaluer l'action de De Gaulle en outre-mer
? Pourquoi la décolonisation fut-elle manquée en Algérie ? Etc.
Mais il s'agit également (pour rendre compte des avancées de
la recherche en histoire) de dresser un inventaire, aussi large et
rigoureux que possible, sans nullement prétendre contribuer à
l'établissement de vérités ou d'une histoire officielles.
Il est temps pour la France de s'examiner elle-même au miroir
colonial. Et de se poser, au présent et au futur, des questions
restées en souffrance depuis trop longtemps : que faire de ce
passé ? Quel avenir pour tous ceux qui sont venus d'outre-mer ?
En réfléchissant à la France coloniale de Ferry à de Gaulle, en
passant par Alger, Jean-Pierre Rioux ouvre largement les débats
difficiles mais essentiels auxquels les Français du XXIe siècle sont
confrontés.