Pour ne pas perdre l'Ukraine, Staline exige en 1932 que l'on en fasse une
«forteresse». L'obsession des frontières est une constante de l'histoire de
l'URSS. Animés par la volonté d'exporter la révolution tout en étant hantés
par la vulnérabilité de leur territoire, Lénine puis Staline n'auront de cesse
d'épaissir leur frontière. Création de zones tampons et de zones interdites,
instrumentalisation des minorités nationales, consécration du garde-frontière
en héros patriotique : comprendre ce qui se joue à la frontière dans l'entre-deux-guerres,
c'est éclairer les évolutions ultérieures de la guerre froide, du
bloc soviétique et du rideau de fer.
Cette étude, enrichie de nombreuses cartes inédites, saisit les multiples facettes
des frontières, lieu de confrontation et de coopération où interagissent individus,
administrations et idéologies. Sabine Dullin y décrit une double relation,
celle d'un régime politique à son territoire et celle d'un État à ses voisins, dans
le contexte d'un projet politique subversif et déstabilisateur. Son livre offre
une contribution majeure à une autre histoire, transnationale, de la Russie
au XXe siècle.