Les huit chapitres de ce livre, écrits par autant de spécialistes, français et cubains, de l'histoire et de la culture de Cuba, présentent de façon synthétique la pensée des principales figures du Réformisme cubain à l'époque coloniale. Le Réformisme fut le courant dominant au sein de l'élite créole éclairée du XIXo siècle. Quand il atteignit son apogée, au milieu du siècle, nombre de ses porte-parole préféraient vivre à Paris ou à Madrid, quand ils n'y étaient pas plus ou moins obligés. Ce constat a motivé cette recherche. Pourquoi José Antonio Saco, Domingo del Monte, Calixto Bernal, le comte de Pozos Dulces, Porfirio Valiente, José Valdés Fauli, par exemple -indéniablement les Réformistes les plus célèbres et les plus talentueux- ont-ils choisi le milieu intellectuel parisien voire les antichambres du pouvoir madrilène plutôt que les commodités de leur Ile opulente ou les faveurs et la proximité d'un grand pays voisin, pour penser les problèmes de leur patrie?
Les études novatrices qui leur sont ici consacrées constituent la première tentative argumentée et globale de réinterprétation de leur projet politique, économique, social et culturel. Elles font la démonstration, comme l'écrit Paul Estrade dans l'Introduction à cet ouvrage collectif, «qu'au lieu d'être une tendance en marge des autres tendances contemporaines (l'annexionnisme, l'indépendantisme) ou une étape dans la formation de la conscience nationale, le Réformisme cubain, s'il peut être considéré comme un comportement de la bourgeoisie insulaire, traverse en réalité toutes les étapes et imprègne tous les courants politiques, y compris l'indépendantisme».